Les nouvelles restrictions sanitaires, censées endiguer la reprise de l'épidémie de Covid-19, suscitent colère et incompréhension. Explications.
Au lendemain des nouvelles annonces d’Olivier Véran, c’est la soupe à la grimace chez les restaurateurs et autres débitants de boisson.
La décision prise par le ministre de la Santé de fermer durant deux semaines les bars et restaurants de Marseille, tout en ordonnant la fermeture partielle (dès 22h) des établissements de huit grandes métropoles (dont Paris, Lille et Toulouse), est en effet dure à avaler pour les professionnels du secteur.
Ces derniers, qui ont déjà payé un lourd tribut durant la période de confinement, se sentent lésés par ces nouvelles mesures de restrictions sanitaires, dont certains pourraient ne jamais se remettre.
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Les nouvelles mesures anti-Covid-19 sont « brutales, imprécises et n’ont fait l’objet d’aucune concertation »
Dans la cité phocéenne, nombreux sont ceux qui accusent le coup, ne comprenant pas ce tour de vis du gouvernement, qui fait l’objet de critiques virulentes.
« Non, mais vous vous rendez compte ? Nous sommes une nouvelle fois pointés du doigt. Comme si on était responsable de ce qui se passe. Comme si nous étions la peste de 1720 et qu’à Marseille on jette les cadavres par les fenêtres. Mais les morts, c’est parmi nous qu’ils vont être très bientôt si nous devons fermer une nouvelle fois », déplore ainsi Frédéric Jeanjean, président de l’Umih (Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie) des Bouches-du-Rhône, dans les colonnes de La Provence.
« Ces mesures tombent alors que nous avions commencé à retrouver un peu de marge de manœuvre. Pas de quoi combler les pertes subies durant les mois de confinement, mais au moins, passer de 50 % de pertes à 20 %, ça laissait un espoir. Là, tout va s’envoler. Je dis simplement que c’est insupportable et injuste. Pourquoi laisse-t-on les magasins de la grande distribution ouverts ? Pourquoi ne ferme-t-on pas le marché aux puces ? Moi je pense que tout ça relève d’une hypocrisie et que nous sommes les victimes d’une mise à mort volontaire », poursuit le restaurateur, qui ne décolère pas.
Bernard Marty, l’un de ses collègues de l’Umih ne dit pas autre chose et déplore à son tour des mesures « brutales, imprécises » et qui « n’ont fait l’objet d’aucune concertation ». Et l’intéressé de lancer un avertissement : « Il est clair que nous sommes montrés du doigt et que la réaction des professionnels va être sévère » .
« J’ai l’impression qu’Olivier Véran agite un chiffon rouge pour menacer les grandes villes » (Michèle Rubirola)
La colère des Marseillais s’étend jusque dans les salons de l’hôtel de ville puisque la maire écologiste fraîchement élue, Michèle Rubirola, n’a pas caché son mécontentement, fustigeant au passage le ministre de la Santé.
« Je suis en colère parce qu’il n’y a eu aucune concertation et c’est simplement inadmissible. Contrairement à ce que prétend Olivier Véran, il ne nous a rien demandé, il ne nous a pas du tout concertés. Vue mon absence physique ponctuelle, mon premier adjoint a essayé de l’appeler tout l’après-midi et il n’a pas eu de réponse. Il a simplement eu une information dix minutes avant la conférence de presse », a-t-elle affirmé au micro de France Info.
« Pourquoi un tour de vis alors que les chiffres commencent à aller dans le positif pour nous depuis quelques jours ? À Marseille, on constate une baisse des indicateurs depuis deux à quatre jours. Et c’est ça qui est important. Olivier Véran nous montre à tort en repoussoir. J’ai l’impression qu’Olivier Véran agite un chiffon rouge pour alerter et menacer les autres grandes villes alors qu’on est plutôt de bons élèves, avec de bons résultats », a-t-elle ajouté.
Le ministre de la Santé a tenu à lui répondre sur Twitter en affirmant s’être entretenu avec le premier adjoint de la ville Renaud Muselier, avant d’annoncer les nouvelles restrictions.
Ce à quoi la première édile a répondu « Mon 1er adjoint a juste été informé par vos soins 10m avant la conférence de presse alors qu’il a essayé de vous joindre cet après-midi. Information PAS concertation ».
Les décisions annoncées ce soir, dont je mesure la portée pour les marseillais, visent précisément à les protéger alors que tous les indicateurs sanitaires sont très dégradés. Ce dont je me suis entretenu cet après-midi avec votre 1er adjoint et le président @RenaudMuselier https://t.co/56Y7RiZELN
— Olivier Véran (@olivierveran) September 23, 2020
Une version confirmée par Renaud Muselier lui-même qui en a profité pour interpeller le ministre sur twitter : « Un coup de téléphone n’est pas une concertation, quand l’appel est passé à 18h30 pour une intervention à 19h, dans la précipitation. Cette décision est unilatérale, inadaptée et injuste ! Vous pensez être courageux, en fait vous perdez votre sang-froid », a ainsi déclaré celui qui est également président de la région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Un coup de téléphone n’est pas une concertation, @olivierveran, quand l’appel est passé à 18h30 pour une intervention à 19h, dans la précipitation. Cette décision est unilatérale, inadaptée et injuste ! Vous pensez être courageux, en fait vous perdez votre sang-froid. #COVID19 https://t.co/32nTnMAkjS
— Renaud Muselier (@RenaudMuselier) September 23, 2020
Ambiance…
Vous l’aurez compris, ces nouvelles restrictions sont loin de faire l’unanimité et sont dénoncées tous azimuts par les élus locaux et autres professionnels de la restauration.
Pour rappel, la métropole d'Aix-Marseille et la Guadeloupe ont été classées mercredi en « zone d'alerte maximale », dernier niveau avant l'état d'urgence sanitaire. Paris et sa petite couronne passent de leur côté en zone « d'alerte renforcée », tout comme sept autres grandes villes : Lille, Toulouse, Saint-Étienne, Rouen, Grenoble et Montpellier.