Côté soignants, des conditions de travail déplorables, un sous-effectif permanent, un environnement pesant, des burn-out en série, des cadences inhumaines pour un salaire de misère. Côté patients, des traitements indignes, la sensation de se faire enchaîner « comme à l'usine », être contraint d'attendre parfois plus d'une semaine avant d'avoir droit à une douche.
La situation de certains EHPAD (Établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes ) continue à susciter l'indignation et la polémique. Après la grève « la plus longue de France » du personnel soignant de la maison de retraite Les Opalines (Jura), qui s'est finalement achevée l'été dernier après 117 jours de mobilisation, c'est au tour de la CFDT Santé sociaux de tirer la sonnette d'alarme.
Le syndicat dénonce en effet un cas de « maltraitance institutionnelle » dans un EHPAD du Val de Saône : pour les résidents les plus dépendants, le délai d'attente pour être douché s'élèverait à... six semaines.
Fauteuil roulant dans une maison de retraite / Shutterstock
Une douche toutes les six semaines, c'est le sort subi par les personnes âgées dans cet EHPAD du Val de Saône. Les patients, ou plutôt les résidents comme on les appelle, subissent de plein fouet les manques d'effectifs et les conditions de travail dégradées du personnel soignant.
Les hommes et les femmes qui s'occupent d'eux sont censés leur apporter confort et réconfort pour rendre leurs derniers jours de vie plus doux. Mais ce métier, qui est pour beaucoup lié à une vocation d'aider et de prendre soin de son prochain, leur pèse désormais. Culpabilité, sensation d'être « complices » des négligences et des mauvais traitements imposés : certains ne trouvent plus le sommeil, beaucoup ont le sentiment que leur travail a perdu tout son sens.
Travail à la chaîne
« J'ai franchement l'impression de 'faire du rendement', d'être à l'usine », raconte par exemple cette aide-soignante au micro de France Bleu Bourgogne. « Je ne consacre plus de temps de parole aux résidents, ni de temps de soin. Je fais uniquement le strict minimum, c'est-à-dire de faire la toilette, l'habillage, c'est tout. »
La gorge visiblement nouée, elle poursuit en témoignant de sa grande « déception » vis-à-vis de son travail, qu'elle n'a pas l'impression de pouvoir faire convenablement : « Ça me pèse. Je ne pensais pas en arriver là. » Au-delà des cadences de travail éreintantes et d'un environnement professionnel globalement dégradé, il y a aussi ce poids qui vient alourdir la conscience du personnel soignant : difficile de se voir contraint de bâcler son travail, lorsque ce dernier implique de s'occuper d'êtres humains, de leur hygiène, de leur confort, de leur santé et de leur dignité.
Sandrine Meux, aide médico-psychologique à l'EPCAPA de Dijon, ne cache pas sa colère : « C'est du [travail à la] chaîne : on arrive, un sourire et on repart. C'est en conflit avec nos valeurs [...] On est là pour accompagner les personnes : c'est leur dernier lieu de vie... et on n’a pas le temps de les accompagner ». Et d'expliquer que, dans certains établissements, les résidents n'ont pas de douche, « ou très peu ». Dans l'établissement communal public dans lequel elle travaille, elle considère que les résidents ont « de la chance » car ils peuvent leur donner une douche par semaine.
La CFDT appelle d'urgence les pouvoirs publics à prendre la mesure de la situation, et alerte également l'ARS et le conseil départemental, qui financent l'établissement.