Ehpad : une journée nationale de mobilisation pour des soignants épuisés et à bout

Ce mardi 30 janvier, à l'appel de tous les syndicats de la profession, les employés d'Ehpad sont appelés à une journée nationale de mobilisation. Objectif : dénoncer la dégradation des conditions de vie et de travail à la fois pour le personnel et pour les patients. Avec des manques permanents d'effectifs, des conditions de travail épuisantes et un stress quotidien qui résultent en une forme de « maltraitance institutionnelle » des patients, les Ehpad sont malades. Pour les membres du personnel, il est plus que jamais temps de tirer la sonnette d'alarme.

Personne âgée seule dans un Ehpad, Ariadna de raadt / Shutterstock

Ils courent de chambre en chambre, sont en sous-effectif permanent, enchaînent les patients les uns après les autres sans avoir guère plus de quelques minutes à accorder à chacun d'eux et, par conséquent, se retrouvent forcés de les négliger, voire de les maltraiter : les aides-soignants en Ehpad (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) n'en peuvent plus. Ce mardi, ils entreront en grève à l'appel de l'ensemble des syndicats de travailleurs, ainsi que de l'association des directeurs d’établissement, afin de protester contre la dégradation des conditions de travail dans ces établissements.

Car le mal-être des employés se répercute directement sur les personnes âgées résident dans les Ehpad : sous-payés, en sous-nombre, et forcés pour compenser d'enchaîner à toute vitesse des tâches éreintantes tout autant sur le plan physique que sur le plan mental, les salariés de ces établissements ne trouvent plus le temps de s'occuper décemment des patients : ainsi, récemment, la CFDT Santé sociaux dénonçait les conditions de vie dans un Ehpad du Val de Saône, où certains patients ne recevaient... qu'une douche toutes les six semaines.

Cette maltraitance institutionnelle, si elle est subie de plein fouet par les patients, représente également un poids pour un grand nombre de soignants, qui ne font eux aussi que la subir. Pour cause, ces conditions de travail entrent directement en contradiction avec leurs valeurs et avec le fondement même de leur métier, qui est justement supposé consister à accompagner les personnes âgées dans leur fin de vie et à leur permettre de finir leurs jours de la manière la plus douce et décente possible.

Or, la réalité est tout autre : « J'ai franchement l'impression de 'faire du rendement', d'être à l'usine », raconte ainsi une aide-soignante, sous couvert d'anonymat, au micro de France Bleu Bourgogne, en octobre dernier. Toujours sur les ondes de la radio régionale, Sandrine Meux, aide médico-psychologique à l'EPCAPA de Dijon, ne cache pas sa colère : « C'est du [travail à la] chaîne : on arrive, un sourire et on repart. C'est en conflit avec nos valeurs [...] On est là pour accompagner les personnes : c'est leur dernier lieu de vie... et on n’a pas le temps de les accompagner ». Et d'expliquer que, dans certains établissements, les résidents n'ont pas de douche, « ou très peu ».

De « Balance ton hosto » à « Suzanne » : des dysfonctionnements de plus en plus lourdement pointés du doigt

Récemment, les revendications et les témoignages à charge se sont multipliés pour dénoncer des conditions toujours plus dégradées au sein des Ehpad, tant du côté des soignants que du côté des patients. Ainsi, récemment, le hashtag «#BalanceTonHosto »  voyait le jour pour dénoncer les problèmes récurrents du milieu hospitalier — parmi lesquels un grand nombre de témoignages d'aides-soignants en Ehpad.

À côté de cela, il y a aussi les cas de maltraitance et de méchanceté gratuite, perpétrés par des membres du personnel soignant sur des personnes âgées sans défense. Des résidents d'Ehpad qui subissent des coups, des blessures, des violences verbales et des humiliations diverses, cela existe aussi. Ainsi, récemment, l'affaire de l'Ehpad « Les Oliviers » à Nîmes, cette maison de retraite qui avait licencié une aide-soignante pour avoir dénoncé des violences à l'encontre d'une pensionnaire, refaisait parler d'elle avec la condamnation en première instance de la direction de l'établissement.  Et en décembre dernier, sur France Inter, dans le cadre de sa chronique « Le Quart d'heure de célébrité », le journaliste Frédéric Pommier publiait un texte aussi enlevé qu'émouvant, Suzanne et les maltraitances d’un EHPAD, qui a suscité de très nombreuses réactions.

Existe-t-il un lien entre ces maltraitances et négligences « forcées », que tous les soignants peuvent être forcés à commettre lorsqu'on ne leur donne que cinq minutes pour laver et donner à manger à un patient, et les maltraitances volontaires, les abus de position, les humiliations, les coups et blessures, les actes d'infantilisation que peuvent commettre d'autres soignants ? Sans doute : des actes aussi extrêmes ne peuvent qu'être amplifiés par le mal-être grandissant qui gangrène ces institutions. Existe-t-il au sein des Ehpad des personnes au comportement réellement malsain ? Sans doute aussi, comme dans tous les corps de métier.

Mais, pour mettre fin aux dysfonctionnements et aux maltraitances, il semble clair qu'il faille d'abord soutenir les soignants eux-mêmes, et non pas leur imputer directement la faute. Surtout quand ces derniers se mobilisent en masse pour essayer de faire bouger les lignes.

Dans un récent entretien pour Ouest France, Frédéric Pommier apportait son soutien au mouvement de grève qui débutera ce mardi 30 janvier : « Évidemment il faut soutenir le personnel des Ehpad, parmi lesquelles il y a des personnes remarquables et notamment des aides-soignantes. L’essentiel des personnes qui font ce métier ont choisi de faire ce métier, de s’occuper des personnes âgées. Certains le font de façon magnifique et certains n’arrivent pas à le faire faute de moyens, de temps et de personnel. »

Espérons que la mobilisation portera ses fruits.


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