Gisèle Halimi est morte aujourd'hui, a-t-on appris auprès de sa famille.
Elle était l'une si ce n'est LA figure emblématique du féminisme français ! L'avocate Gisèle Halimi est décédée ce mardi à l'âge de 93 ans.
C'est l'un de ses trois fils, Emmanuel, qui l'a annoncé via un communiqué transmis à l'AFP, précisant que sa mère s'était « éteinte dans la sérénité, à Paris ».
Avocate de profession, cette intellectuelle franco-tunisienne restera comme l'une des personnalités les plus charismatiques et les plus influentes du féminisme en France.
Fervente militante du droit à l'avortement, elle est morte au lendemain de son 93e anniversaire.
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Gisèle Halimi, une femme de conviction
Née le 27 juillet 1927 à La Goulette, près de Tunis (Tunisie), Zeiza Gisèle Élise Taïeb - de son vrai nom - est issue d’une famille modeste, juive pratiquante.
Son père Édouard Taïeb, d’origine berbère, est un autodidacte qui, parti de rien, est devenu clerc de notaire.
Quant à sa mère Fortunée Metoudi - qu’elle décrit comme « inculte et intelligente » dans son ouvrage « Fritna » (1999) -, elle est très pieuse et élève ses enfants selon des préceptes traditionnels, où la place de la femme est relayée au second rang.
Un schéma familial plutôt rétrograde qui va grandement influencer les convictions de Gisèle, ainsi que sa nature rebelle.
Dès l’enfance, elle va remettre en cause en effet l’éducation qu’elle reçoit, revendiquant davantage de reconnaissance au sein même de sa famille.
Ainsi à l’âge de 13 ans, alors que sa mère lui ordonne sans cesse de faire le lit de son frère, elle refuse de s’exécuter et décide d’entamer une grève de la faim.
Après trois jours sans s’alimenter, ses parents cèdent et c’est là son premier combat mené à bien. Cet épisode marquera un tournant dans sa vie et résonne comme un acte fondateur dans son engagement féministe !
Très bonne élève, elle obtient plusieurs bourses qui lui permettent d’étudier dans un lycée privé de jeunes filles à Tunis, malgré ses origines sociales modestes. Elle part ensuite pour la métropole et entame des études à la faculté de droit et de lettres de Paris, puis à Science Po.
L'avocate des femmes et des opprimés
Désireuse d’embrasser une carrière d’avocate, elle entre au barreau de Tunis en 1949, puis poursuit sa carrière à Paris à partir de 1956.
Femme de conviction, elle va d’abord faire parler d’elle en prenant position publiquement pour l’indépendance de sa terre natale, la Tunisie, puis pour celle de l’Algérie, alors minée par une guerre qui n’en finit plus de diviser la France.
Après avoir pris la défense des militants du Mouvement national algérien, poursuivis par la justice française, elle devient l’avocate de Djamila Boupacha, militante du Front de libération national (FLN), accusée de tentative d’assassinat et dont les aveux ont été obtenus sous la torture et le viol.
Sous l’impulsion de Gisèle Halimi, le procès donnera lieu à un grand déballage médiatique sur les méthodes utilisées par l’armée française en Algérie.
Condamnée à mort en juin 1961, Djamila Boupacha sera finalement amnistiée lors de la ratification des accords d’Évian sur l’indépendance de l’Algérie, en 1962.
En parallèle, n’ayant jamais abandonné son combat pour le droit des femmes, Gisèle Halimi se rallie tout naturellement à la cause du féminisme.
En 1965, elle participe au Mouvement démocratique féminin et soutient la candidature de François Mitterrand, rêvant alors d’une convergence des luttes entre socialisme et féminisme.
En 1971, elle cosigne le fameux « Manifeste des 343 », dans lequel des centaines de femmes déclarent avoir déjà avorté, réclamant par la même occasion la légalisation de l’interruption volontaire de grossesse (IVG).
La même année, Gisèle Halimi fonde le mouvement féministe baptisé « Choisir la cause des femmes », aux côtés notamment de Simone de Beauvoir, autre figure marquante du féminisme français.
Mais c’est en 1972 que son engagement en faveur des droits des femmes s’avère le plus significatif avec le « procès de Bobigny », dans lequel elle défend une jeune fille de 16 ans poursuivie pour avoir avorté après un viol.
Avec une éloquence au service de convictions profondes, elle finit par obtenir du tribunal correctionnel la relaxe de sa cliente.
Le verdict connaît alors un retentissement considérable et ouvrira la voie à une ère nouvelle débouchant sur la « loi Veil », promulguée en janvier 1975, qui dépénalisera l’interruption volontaire de grossesse.
Un nouveau procès très médiatique, celui de deux jeunes femmes victimes d’un viol collectif, devant la Cour d’assises d’Aix-en-Provence en 1978, lui permettra également d’influencer l’adoption, en 1980, d’une nouvelle loi définissant clairement le viol ainsi que l’attentat à la pudeur comme des crimes et non plus des simples délits.
Sur le plan politique, Gisèle Halimi a été députée de l’Isère, apparentée socialiste, de 1981 à 1984, mais aussi ambassadrice de la France auprès de l’Unesco, entre 1985 et 1986.
Mariée à deux reprises - d’abord avec Paul Halimi, dont elle a gardé le nom, puis Claude Faux, qui fut secrétaire de Jean-Paul Sartre -, Gisèle Halimi était mère de trois enfants, dont Serge (né en 1955), journaliste et actuel directeur de la rédaction du Monde diplomatique.
Avec sa mort, c'est tout le mouvement féministe français qui perd l'une de ses plus illustres représentantes !