Ces dernières semaines ont été, entre autres, marquées par la mort à Reims d’une patiente de 73 ans ayant succombé sur son brancard à une crise cardiaque après 2h30 d’attente aux urgences. 55 patients étaient arrivés en 5 heures pour trois médecins ce jour précis, mercredi 7 mars 2018. Une semaine plus tard, c’est une Rennaise qui décédait sur un brancard aux urgences.
Depuis le début du mois, de nombreux médecins rapportent une saturation de plusieurs services d’urgences dans l’hexagone. Ce jeudi 22 mars, les urgentistes sont appelés à manifester alors que « plus de 15 000 patients ont passé la nuit sur un brancard des urgences faute de lit pour les hospitaliser dans un service », selon l'association Samu-Urgences de France.
Image d'illustration d'un infirmier poussant un brancard dans le couloir d'un hôpital. Crédit photo : Spotmatik Ltd / Shutterstock
1,6 milliard d'euros d'économies sont demandés aux hôpitaux publics par l’État. Dans ces conditions, il est difficile de leur fournir davantage de matériel, qui serait pourtant le bienvenu, tant les services d’urgences sont assaillis en ce moment, avec des patients contraints de s’étendre sur des brancards à défaut de lits. Depuis le mois de janvier, 18 000 personnes ont appelé le numéro de téléphone lié au « no bed challenge », destiné à recenser le nombre de patients privés de lits.
« Il y a 639 services d’urgence en France : si la situation est la même partout, cela ferait plus de 100 000 patients concernés ! » peut-on lire sous la plume du Dr François Braun, président du syndicat professionnel Samu-Urgences de France dans sa tribune parue aujourd’hui sur France Info.
Une tribune dont certains extraits témoignent de l'inquiétude grandissante parmi les professionnels du milieu hospitalier :
« Ce matin, comme tous les matins depuis deux mois, je vais bosser la boule au ventre ! » C'est un discours que j'entends tous les jours en recevant des témoignages de nombreux services d'urgences à travers la France. « Combien de patients ont encore dû passer la nuit sur un brancard ? Combien de patients vais-je trouver dans les couloirs du service ? » se lamente un urgentiste lorrain. « Comment s'occuper de ceux qui vont, inexorablement, arriver aujourd'hui alors même que ceux arrivés hier sont toujours là ? » s'interroge un autre dans un grand hôpital d'Occitanie. « À combien de collègues, d'amis, vais-je devoir dire que cela ne va pas durer, que l'épidémie de grippe va passer, que des lits vont enfin se libérer dans les services... sans y croire moi-même ? Combien vont encore repartir chez eux ce soir en pleurant ? » me demande le chef d’un service de Bretagne... »
Si certains rendent responsables de l’engorgement des urgences les patients qui, parfois, ne s’adresseraient pas au bon service compte tenu du problème qu’ils rencontrent, le docteur Christophe Prudhomme, syndicaliste CGT, estime que la cause du problème est bien différente :
« On s'étonne aujourd'hui de la situation alors que 100 000 lits ont été supprimés en vingt ans. Et aujourd'hui, on nous demande encore de faire des économies ».
Un avis partagé par Claire Gekière, officiant comme psychiatre dans un hôpital savoyard : « Le problème, c'est l'étranglement budgétaire et l'absence de contre-pouvoir à la direction des hôpitaux. Les hôpitaux sont gérés comme des entreprises, mais on est le service public, on ne peut pas parler en termes de rentabilité financière ».
L’État demande plus d’un milliard d’euros d’économies aux hôpitaux, un effort des plus compliqués à fournir lorsque tant et tant de personnes réclament des soins, et que beaucoup plus de matériel serait nécessaire pour traiter correctement tout le monde.
« L'inadéquation entre les besoins de santé du plus grand nombre de nos concitoyens et les moyens de l'hôpital public est flagrante », assène François Braun dans sa tribune, réclamant désespérément plus « de lits disponibles pour les patients que nous accueillons tous les jours, sans distinction, ce qui fait la grandeur du service public hospitalier ». Le médecin conjure de régler le problème le plus rapidement possible, sous peine de voir « tout notre système de santé et ses valeurs d'égalité et de solidarité » être emportés.