Les gens les plus intelligents sont ils aussi les plus… seuls ? C'est ce que semble révéler une récente étude, réalisée par deux chercheurs singapouriens, et publiée le mois dernier dans le British Journal of Psychology : apparemment, les personnes ayant un QI plus élevé que la moyenne ont également tendance à vivre des vies d'ermites et à préférer la solitude à la compagnie de leurs contemporains. Et selon les chercheurs, ce n'est pas seulement dû à du mépris affiché envers leurs congénères plus bêtes qu'eux !
On pourrait en effet croire que si les gens intelligents préfèrent être seuls, c'est parce qu'ils trouvent les autres trop idiots pour mériter qu'ils leur accordent un peu de leur temps. Mais si tempérament solitaire et intelligence vont souvent de pair, c'est aussi parce qu'ils seraient… moins stimulés physiquement par les relations sociales que leurs semblables.
Ainsi, Norman P. Li et Satoshi Kanazawa ont coécrit une étude sur le bonheur dans l'environnement moderne de l'être humain, et sur les différentes variables qui peuvent affecter le bonheur. L'une des pistes explorée est celle de l'intelligence des individus… et leur sociabilisastion.
Pour cela, les deux chercheurs s'appuient sur la "savanna theory of happiness", la théorie de la savane : il s'agit d'une théorie de psychologie évolutionniste formulée par Kanazawa, qui présuppose qu'un bon nombre des choses qui nous rendent heureux aujourd'hui sont des résidus liés à l'évolution de nos lointains ancêtres du genre Homo, dont l'habitat primitif était la savane, et qui ont évolué en adéquation avec ce milieu-là. Cela expliquerait notamment notre appétence pour les nourritures salées, grasses ou sucrées (des denrées rares et donc très prisées dans les milieux arides et secs) mais aussi, selon Kanazawa, l'explication de l'origine d'autres comportements propres à l'être humain, beaucoup moins évidents, comme la jalousie… ou même la télévision !
Les personnes les plus intelligentes préfèrent vivre dans les zones les moins densément peuplées
Selon cette théorie, ce qui nous rend heureux aujourd'hui, comme l'amitié ou la coopération, s'enracine profondément dans les rites et les racines de nos ancêtres. Donc, dans des zones ou la pression liée à l'environnement et à l'alimentation est moins forte (par exemple lorsqu'on vit dans une ville plutôt que dans la savane), les caractères favorisés par l'évolution sont plutôt ceux qui ont trait à l'intelligence. Alors que nos ancêtres chasseurs-cueilleurs avaient besoin de sociabiliser et de collaborer pour s'assurer une subsistance, nous avons moins besoin de vivre en bonne entente avec tout le monde pour survivre !
Les résultats révélés par l'étude semblent aller dans ce sens : sur un échantillon de 15 000 jeunes adultes âgés de 18 à 28 ans, les personnes les plus intelligentes préféraient vivre dans des zones moins densément peuplées et avoir un moins grand nombre de relations sociales.
Et les deux chercheurs expliquent que, si les personnes les plus sociables sont souvent les personnes les plus satisfaites et les plus épanouies dans leurs vies, ceux qui sont dotés d'une intelligence supérieure à la moyenne souffrent souvent de la solitude : alors que la plupart des gens associent le fait d' établir des contacts sociaux avec des membres de leur cercle social (amis ou famille), les personnes ayant un QI plus élevé ont souvent l'impression opposée, et souffrent lorsqu'ils se sociabilisent. Pour eux, voir des amis peut générer des effets émotionnels négatifs et les faire se sentir mal !
Autre explication : "ceux qui sont dotés d'une intelligence supérieure et d'une capacité à l'exploiter sont moins susceptible de passer beaucoup de temps à se socialiser car ils sont préoccupés par des objectifs à long terme," suggère Carol Graham, chercheuse à la Brookings Institution, à Washington. Bref, peut-être finalement que les personnes plus intelligentes peuvent moins sortir avec leurs amis, tout simplement parce qu'ils sont occupés à mettre leur génie à contribution au bénéfice de l'humanité.