L’art a toujours été associé au dérangement, à la provocation. On ne compte plus d’ailleurs les artistes qui en ont fait la spécialité. Pour faire réagir, pour émouvoir, pour faire naître des réflexions, il est parfois nécessaire de choquer. Le cinéma, la photographie, la littérature, la peinture, la sculpture, la musique… Tous les arts ont recours à la provocation. Cette dernière n’a jamais cessé de faire débat : l’art ne va-t-il pas parfois trop loin ? Peut-on tout accepter sous couvert qu’il s’agit d’art ? L’art n’est-il pas à certains moments qu’une excuse, qu’une manière de légitimer des actes et comportement parfois inadmissibles moralement, en plus d’être vides de sens et d’intérêt
Une chose est sûre : les sempiternelles interrogations liées à l’art et à la provocation ne seront pas résolues avec la vidéo de poulets brûlés vifs d'Adel Abdessemed, diffusée depuis le 8 mars au Musée d’Art Contemporain de Lyon, qui outre les défenseurs de la cause animale.
L'artiste parle de trucage pour sa vidéo, dans laquelle aucun animal n'a souffert selon lui. Crédit photo : monticello / Shutterstock
La vidéo d’Adel Abdessemed ne s’est pas cantonnée aux frontières fixées par les murs du Musée d’Art Contemporain de Lyon, puisqu’elle a été diffusée sur Facebook samedi 10 mars, devenant sujette à une exposition de masse, source phénoménale de publicité pour l’artiste franco-algérien, qui n’en est pas à son premier coup d’essai. Son œuvre Don’t Trust Me avait, en son temps, fait jaser parce qu’elle représentait des scènes d’abattage d’animaux des plus explicites, une manière d’attirer l’attention sur les souffrances animales en donnant à voir ce que les bêtes subissent. Une méthode loin d’être du goût de tous.
Adel Abdessemed à Doha, au Qatar, en 2013. Crédit photo : Mathaf Doha
Certains adorent Adel Abdessemed pour sa façon de combattre le feu par le feu, d’autres le détestent, ne voyant dans son œuvre qu’une simple illustration – voire une contribution — des souffrances animales, sans le moindre fond, ainsi que des provocations gratuites et futiles, à l’instar de la statue de bronze de Zinédine Zidane assénant son tristement célèbre coup de boule à Marco Materazzi, qu’il a réalisée en 2012. L’Art Institute de San Francisco avait fait interdire l’exposition de l’artiste comprenant Don’t Trust Me peu de temps après son inauguration, visiblement dérangée par son contenu.
C’est là toute la substance de l’art : il interroge, il suscite des débats, il ne fait pas consensus. Certains aiment une œuvre, d’autres l’exècrent. En l’occurrence, Adel Abdessemed ne laisse personne indifférent. Pour l’occasion, les internautes et les associations s’enflamment, dénoncent des actes de cruauté envers les animaux, complètement démentis par l’artiste-plasticien qui explique que la vidéo est un trucage, et qu’aucun poulet n’a été maltraité pour la réalisation de son œuvre. Tous les poulets sont en vie, et en bonne santé, l’œuvre n’étant que là pour illustrer les violences animales.
La PETA n’est néanmoins pas exactement de cet avis, et somme le Musée d’Art Contemporain de Lyon de cesser d’exposer de telles œuvres, en précisant :
« Ceci n'est pas de l'art, c'est de la cruauté envers les animaux. Que l'artiste ait utilisé un trucage ou non, les poulets exploités dans la 'performance' d'Adel Abdessemed ont été suspendus à l'envers par des crochets, exhibés à des spectateurs et confrontés à la présence de flammes sur leur corps, une expérience terrifiante et traumatisante pour ces êtres sensibles et intelligents ».
La majeure partie des réseaux sociaux s’enflamme et s’insurge du propos de l’œuvre, décriant son contenu.
Que l’on cautionne cette vidéo ou non, une chose est sûre : le Printemps Adel Abdessemed aura fait parler de lui. Mais pour les bonnes raisons ?
Capture d'écran de la vidéo Printemps d'Adel Abdessemed.