Voici le KK Park, un immense complexe dédié aux escroqueries en ligne pour arnaquer le monde entier

Des journalistes de Complément d’enquête sont remontés jusqu’à l’existence d’un réseau d’immenses complexes situés en Asie du Sud-Est où travaillent des milliers de personnes dans le but de réaliser des arnaques en ligne à travers le monde.

Avec l’arrivée de l’intelligence artificielle dans le monde du numérique, les arnaques en ligne sont de plus en plus créatives et nombreuses afin de piéger des victimes vulnérables. Ce qu’on est loin d’imaginer, c’est l’ampleur du phénomène lorsque l’on plonge dans les coulisses d’une telle activité frauduleuse.

Ce jeudi 27 février, l’émission Complément d’enquête nous fait découvrir les entrailles de ces escroqueries à grande échelle. Les journalistes, guidés par une humanitaire nommée Judah Tana, sont notamment remontés jusqu’à des réseaux criminels chinois qui opèrent en Asie du Sud-Est, dans de vastes complexes.

Le reportage montre notamment KK Park, un immense complexe situé en Birmanie. Séparé de la frontière thaïlandaise par la rivière Moei, le KK Park est contrôlé par des milices birmanes, actuellement en pleine guerre civile. Des barbelés, des patrouilles armées et des caméras de surveillance entourent ce gigantesque complexe qui a l’allure d’une ville fortifiée.

Le KK ParkCrédit photo : Stefan Czimmek / DW

Selon Judah Tana, à l’intérieur de cette zone se trouvent des milliers de personnes venant travailler entre 16 et 18 heures par jour. Ces employés sont en réalité des escrocs qui créent, durant leur temps de travail, des milliers de faux profils destinés à entrer en contact avec de potentielles victimes sur les réseaux sociaux, notamment dans le but de les faire investir dans de la cryptomonnaie.

Des entreprises pas comme les autres

Les bâtiments du complexe sont remplis d’entreprises spécialisées dans l’arnaque, à raison d’une entreprise par étage. Les salariés, qui sont entre 10 000 et 20 000, sont logés dans des chambres dortoirs. Des images de l’intérieur du complexe, récupérées par Complément d’enquête, montrent notamment des open spaces, à l’instar de n’importe quelle entreprise dans le monde.

Le KK Park vu du cielCrédit photo : Maxar Technologies provided by European Space Imaging

Linh, une jeune Birmane, a travaillé dans l’un de ses complexes et a témoigné de son expérience auprès des journalistes de France Télévisions. Elle explique notamment que son travail lui a permis de toucher le double du salaire moyen dans son pays :

“Ça ressemble à un café internet. Il y a une grande pièce avec des rangées d’ordinateurs et des chaises face à face. C’est comme un travail régulier. La seule différence, c’est les horaires”

Si cela vous paraît énorme, le KK Park n’est qu’un complexe parmi une vingtaine d’autres situés le long de la frontière birmano-thaïlandaise, sur 20 kilomètres. Selon l’ONU, ce sont, au total, plus de 120 000 personnes qui travaillent quotidiennement dans ces complexes, arnaquant des milliers de personnes à travers le monde.

Par ailleurs, ces complexes sont également accusés d’esclavage et de traite d’être humains, en forçant des personnes immigrées à travailler pour les cybercriminels. Il y a trois jours, les gardes-côtes birmans ont notamment fait une descente au KK Park et ont libéré 70 Indiens qui y travaillaient contre leur gré.

Depuis des années, ces complexes sont dans le viseur des autorités internationales, notamment l’Union européenne, le Royaume-Uni et le Canada qui ont adressé des sanctions financières à la junte militaire birmane et à certains responsables des organisations criminelles, en vain. La Birmanie a également tenté de faire barrage à ces activités en coupant des réseaux d’électricité.


VOIR TOUS LES COMMENTAIRES

author-avatar

Au sujet de l'auteur :

Journaliste