Manu Dibango est décédé des suites du Covid-19, à l'âge de 86 ans

Manu Dibango est décédé des suites du Covid-19.

Alors que l’épidémie de coronavirus ne cesse de s’aggraver dans le monde, on apprend aujourd’hui le décès du saxophoniste camerounais Manu Dibango qui a succombé au Covid-19, ce mardi à Paris, à l’âge de 86 ans.

Crédit photo : Wikimedia Commons

La triste nouvelle a été annoncée tôt ce matin par la famille du musicien, malade depuis plusieurs jours. Sa mort intervient une semaine seulement après l’annonce de sa contamination au nouveau coronavirus.

Surnommé « Papy Groove », le saxophoniste aura connu une carrière féconde longue de six décennies, durant lesquelles son talent ne s’est jamais démenti.

Très apprécié du public, Manu Dibango était réputé pour son sourire et sa bonne humeur communicative.

Fait Chevalier de la légion d’honneur en 2010, il était encore sur scène l’an dernier pour fêter ses 60 ans de carrière, en compagnie de son groupe «Safari symphonique».

Il était père de quatre enfants.

Ses « obsèques auront lieu dans la stricte intimité familiale et un hommage lui sera rendu ultérieurement dès que possible » lorsque le confinement sera levé, ont précisé ses proches.

Le Jazz et l'Afrique

Né le 12 décembre 1933 à Douala (Cameroun) d’un père fonctionnaire et d’une mère coutière, tous deux protestants, Manu Dibango - de son vrai nom Emmanuel N’Djoké Dibango - obtient d’abord son certificat d’études dans son pays natal avant de partir pour la France.

Il débarque au port de Marseille en 1949, avec, pour seul bagage, 3 kilos de cafés qui lui permettront de payer ses premiers mois de pensions.

Alors âgé de 15 ans, il est à l’époque recueilli par une famille d’accueil de la Sarthe, dont le patriarche, un instituteur de Saint-Calais, n’est autre que le « correspondant » français de son père qui souhaitait que son fils poursuive ses études en France.

C’est au cours de son cursus mené à Chartres puis à Château-Thierry au début des années 1950 qu’il se découvre une passion pour la musique et en particulier le jazz. Il se met alors à jouer de la mandoline et apprend le piano.

C’est à cette même époque, à l’occasion d’un séjour dans une colonie réservée aux enfants camerounais vivant en France, qu’il découvre, par le biais d’un ami, le saxophone qui deviendra son instrument de prédilection.

Lors de ces vacances, il fait également la connaissance de l’artiste aux multiples facettes Francis Bebey, lui aussi originaire de Douala. Le courant passe très vite entre les deux et ce dernier apprend à Manu les bases du Jazz. Très vite, ils décident de monter un groupe et jouent ensemble.

Crédit photo : Wikimedia Commons

Alors qu’il s’apprête à passer son baccalauréat à Reims, il délaisse peu à peu les études et commence à se produire dans des boîtes locales, jouant du saxophone.

Son père qui voit d’un très mauvais œil cette passion naissante pour la musique décide de lui couper les vivres en 1956, suite à son échec au bac.

La même année, le hasard des rencontres et des opportunités de concerts le conduisent en Belgique, où il fait la rencontre de sa future femme Marie Josée, qu’il épouse en 1957.

Gagnant désormais sa vie grâce à la musique, il se produit régulièrement dans une boîte de nuit bruxelloise, très prisée des intellectuels et autres politiciens congolais dont Patrice Lumumba, alors en pleine négociation avec le gouvernement pour l’indépendance du Congo Belge.

Un soir, alors qu’il joue dans cet établissement, il y fait la connaissance de Grand Kallé, célèbre musicien congolais qui l’enrôle dans son orchestre pour plusieurs disques qui remporteront un franc succès en Afrique. Il participe également à une tournée au Congo Léopoldville à l’été 1961.

Après avoir dirigé sans grand succès deux établissements de nuit, d’abord au Congo puis au Cameroun, alors en plein couvre-feu en raison de la guerre civile, il regagne la France en 1965.

À partir de 1967, il se crée son propre style musical et commence à travailler avec plusieurs personnalités de la chanson française, dont Dick Rivers et Nino Ferrer. En 1969, il sort un album à succès, intitulé Afro-Jazz Saxy Party.

Mais c’est en 1972 avec la face B d’un 45 tours, « Soul Makosa » qu’il accède à la renommée internationale. L’Amérique lui fait alors les yeux doux ! Il y effectuera une tournée dans la foulée.

Reconnaissable entre mille, le thème entraînant de « Soul Makossa » sera par la suite repris sans son autorisation par Michael Jackson sur son titre « Wanna be stratin’ something » (1982) puis par Rihanna dans le morceau « Don’t stop the music ». En 2009, Manu Dibango attaquera les maisons de disques des deux artistes (Sony, BMG, Warneret EMI) pour ce plagiat. Débouté par la justice, il parviendra finalement à obtenir un arrangement financier.

Artiste mondialement reconnu, il va collaborer avec les plus grands durant les décennies 1980 et 1990. Il accompagnera notamment Serge Gainsbourg puis travaillera avec Youssou N’Dour, Salif Keita, Papa Wemba, Peter Gabriel ou Sinéad O’Connor, à l’occasion de l’ambitieux projet d’album « Wakafrika », composé de reprise de musiques africaine. Un disque qui sortira en 1994.

En 1997, il crée le Festival Soirs au Village – du nom d’une de ses chansons – à Saint-Calais, la ville qui l’avait accueilli jadis à son arrivée dans l’hexagone. Le festival est organisé depuis chaque année.

Continuant à vivre de sa musique, à travers ses tournées mais aussi l’enregistrement d’albums à succès (12 opus entre 1998 et 2013), Manu Dibango affichait encore une forme olympique il y a peu et continuait de se produire régulièrement sur scène.

Contaminé par le coronavirus il y a plus d’une semaine, il a hélas succombé au Covid-19 mardi, à l’âge de 86 ans.

Son décès a suscité une vague d’émotion dans le milieu de la musique et au-delà.


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Au sujet de l'auteur :

Évoluant dans la presse web depuis l’époque où celle-ci n’en était encore qu’à ses balbutiements, Mathieu est un journaliste autodidacte et l’un de nos principaux rédacteurs. Naviguant entre les news généralistes et les contenus plus décalés, sa plume s’efforce d’innover dans la forme sans jamais sacrifier le fond. Au-delà de l’actualité, son travail s’intéresse autant à l’histoire qu’aux questions environnementales et témoigne d’une certaine sensibilité à la cause animale.