L'État interdit des parents de donner ce prénom breton controversé à leur enfant, ils s'indignent

Ce jeudi 6 février, des parents vont se battre devant le tribunal pour défendre le prénom donné à leur fils, après le refus du procureur de Lorient de leur accorder. Une affaire judiciaire qui a pourtant connu un précédent et qui ne devrait pas être la dernière.

Un tilde qui fait tilter ! Le 17 juin 2023, un couple résidant à Lorient a donné naissance à leur fils qu’ils ont souhaité prénommé Fañch, en hommage à l’arrière-grand-père du nourrisson. Au moment d’enregistrer le prénom, l’officier d’état civil s’était montré réticent mais le maire de Lorient, Fabrice Loher, l’avait finalement validé.

Cependant, deux mois et demi plus tard, le couple reçoit un courrier du parquet de Lorient qui leur demande de supprimer le tilde, évoquant que ce signe diacritique est "inexistant, tant en français qu’en droit positif". Pour rappel, le tilde est le nom donné à l'accent en forme de vague que l'on trouve sur la lettre "n", notamment dans la langue espagnole.

Stupéfaits, les parents pensaient pourtant que ce prénom était autorisé puisqu’une affaire similaire avait éclaté en 2017. En effet, à Quimper, un officier d'état civil avait refusé d’enregistrer ce prénom à un nouveau-né sous prétexte que ce tilde n’était pas reconnu par la langue française. Pire encore, admettre ce prénom revenait “à rompre la volonté de l’État de droit de maintenir l’unité du pays et l’égalité sans distinction d’origine”.

Fañch, le prénom de la discordeCrédit photo : D.R.

À l’époque, les parents avaient fait appel de cette décision et avaient fini par obtenir gain de cause, après deux ans de bataille juridique. Ainsi, le couple lorientais pensait que le prénom breton était finalement autorisé par la justice et ne s’attendait pas à recevoir une convocation du parquet, comme l’explique leur avocat auprès de 20 Minutes :

“Pour mes clients, l’affaire était close vu que la justice avait autorisé le tilde”

Un signe diacritique régional qui dérange

Malheureusement, le procureur de Lorient, Stéphane Kellenberger, s’est appuyé sur la décision en mai 2021 du Conseil constitutionnel qui avait censuré deux articles de la loi Molac sur les langues régionales. L’un des deux articles prévoyait “la possibilité de rédiger les mentions des actes avec des signes diacritiques utilisés par les langues régionales, parmi lesquels le ñ du breton et du basque”

“Dans la mesure où cette décision du Conseil constitutionnel, juridiction évidemment supérieure, s’oppose à la jurisprudence antérieure de la Cour d’appel de Rennes, je ne peux, légalement, que procéder à la rectification administrative de l’erreur purement matérielle entachant l’écriture du premier prénom attribué à votre enfant”

Un bébéCrédit photo : iStock

Ainsi, les parents du petit Fañch ont porté l'affaire devant la justice, espérant obtenir gain de cause pour valider le prénom. Leur avocat, Me Iannis Alvarez, insiste sur le fait que l’administration a d’ores et déjà délivré un passeport et une carte d’identité avec le tilde de la controverse. Selon lui, la décision du procureur de Lorient est une absurdité.

“Le tilde n’est pas un signe diacritique régional puisqu’il existe dans la langue française”

L’avocat cite notamment en exemple le cas de Laurent Nuñez, préfet de police de Paris, mais aussi d’autres références historiques, prouvant que le tilde a toujours fait partie de la culture française :

"On retrouve aussi des tildes dans le dictionnaire de l’Académie française. Et même dans l’ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539 qui instaure le français comme langue nationale et unitaire de la nation. Comme quoi l’État connaît très mal sa propre histoire"

Le drapeau bretonCrédit photo : iStock

Une affaire similaire à Angers

En attendant de connaître l’issue de cette affaire, le prénom Fañch sera de nouveau au coeur d’un autre débat juridique prochainement. En effet, la cour d’appel d’Angers doit se prononcer fin février sur le dossier d’un petit garçon, appelé Fañch, né en juillet 2023. Dans cette autre affaire, le parquet d’Angers a carrément expliqué aux parents que le prénom était “contraire à l’intérêt de l’enfant”, ce qui n’a pas manqué d’indigner l’avocat Me Alvarez qui défend également les intérêts de la famille angevine :

“Qui peut sérieusement faire croire que le tilde porte atteinte à l’intérêt de l’enfant ou que cela menace la Nation, la langue ou bien encore l’identité française ?”

Quoiqu’il en soit, l’avocat semble prêt pour ces batailles judiciaires quitte à plaider la cause de ses clients devant la Cour européenne des droits de l’Homme.

Source : 20 Minutes
VOIR TOUS LES COMMENTAIRES

author-avatar

Au sujet de l'auteur :

Journaliste