« Arrête de parler de nous » : un athlète paralympique fustige Teddy Riner pour ses propos « infantilisants »

Membre de l’équipe de France de basket paralympique, Sofyane Mehiaoui n’a pas caché son indignation face aux récents propos de Teddy Riner.

Le 13 août dernier, Teddy Riner et Marie-José Pérec étaient invités dans la matinale de RTL, pour y faire la promotion des Jeux paralympiques de Paris 2024. Les deux allumeurs de la vasque olympique lors de la cérémonie d’ouverture ont confié leur admiration pour les athlètes paralympiques en les qualifiant de héros, mettant ainsi en avant le handicap de ces athlètes. Teddy Riner les a même comparés à des “Avengers”.

Seulement voilà, ces propos élogieux n’ont pas été du goût de Sofyane Mehiaoui, membre de l’équipe de France de basket paralympique. Sur Instagram, ce dernier a en effet dénoncé la comparaison, car il estime que cela revient à dire que les athlètes handisports ne sont pas normaux à cause de leur handicap.

"Faut vraiment que t’arrêtes de parler de nous de cette manière, tu ne nous aides pas. On n’est ni à plaindre, ni à valoriser (...) on est aussi des athlètes, ce qui veut dire capables de performance, de record et donc de transmettre des émotions fortes. C’est pour ça qu’il faut venir nous encourager ! Et non parce qu’on est des super héros ! ‘Les vrais champions”, n’importe quoi !” (Sofyane Mehiaoui)

Le message de Sofyane Mehaoui sur InstagramCrédit photo : Capture Instagram / Sofyane Mehaoui

En d’autres termes, Sofyane Mehiaoui regrette d’être qualifié d’exceptionnel grâce à son handicap et veut être traité comme un athlète normal. Auprès de Ouest-France, il a justifié son coup de gueule en ces termes :

“Le fait qu’on parle de nous comme des super-héros ne nous aide pas. On est des personnes en situation de handicap et nous souhaitons être considérés comme des personnes normales. Quand on nous surexpose, ce n’est pas bien. On n’est pas des super-héros, on est des athlètes. Donc venez nous voir parce qu’on va faire des performances, on va faire des exploits sportifs, c’est pour tout ça qu’il faut venir nous voir” (Sofyane Mehiaoui)

Les athlètes paralympiques ne sont pas des super héros !

Le basketteur dénonce un discours “misérabiliste” également tenu par Tony Estanguet, président du comité d’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 :

“Ça me gêne un peu quand il dit ça, car ça veut dire qu’on est traité différemment. Je ne veux pas de misérabilisme de la part de Paris 2024. D’autant que depuis deux ans, on a réussi à faire en sorte qu’on parle des athlètes et de leurs performances. C’est comme ça qu’on change les mentalités. Je ne veux pas qu’on casse tout en un mois en disant : “Venez voir les pauvres handicapés, parce qu’ils ont été courageux de surmonter leur handicap”. Je suis un compétiteur, un sportif. Et je ne veux pas que le discours change parce qu’il faut vendre des places. Si on doit en vendre moins, sans nous rabaisser et bien tant pis. Car sinon, ça serait un retour en arrière” (Sofyane Mehiaoui)

Malgré la maladresse des propos tenus par ces champions olympiques, Sofyane Mehiaoui a conscience qu’ils partent d’un bon sentiment et que leurs intentions sont de faire en sorte que les Jeux Paralympiques jouissent de la même ferveur que celles de JO.

“Je sais que ce n’est pas méchant et qu’il veut nous aider, mais il s’y prend mal. Je veux réagir pour que les gens comprennent ça. Mais quand Teddy dit ça, ça veut aussi dire qu’on ne fait pas totalement du sport. Le souci est que Teddy Riner n’a pas été maladroit qu’une fois, mais 3-4 fois sur plusieurs interviews” (Sofyane Mehiaoui)

Sofyane Mehaoui, membre de l'équipe de France de basket fauteuil

Pour le para-basketteur, ses propos sont révélateurs de la façon dont les personnes handicapées sont considérées dans la société. Un handicap n’est pas forcément une tare et Sofyane Mehiaoui dénonce certaines prises de paroles. C'est notamment l’utilisation du terme “méritant” qui le fait grincer des dents :

“Que Teddy Riner, que je respecte pour sa carrière sportive, dise qu’on est des champions, ça peut encore aller mais quand il rajoute des VRAIS champions, ça sous-entend que les athlètes olympiques ne sont pas de vrais champions malgré leur médaille, ce qui n’est pas vrai du tout, on est tous d’accord ? (...) On n’est pas plus méritant, aux Jeux paralympiques, parce qu’on est en situation de handicap. On a juste des catégories différentes en fonction du handicap” (Sofyane Mehiaoui)

Enfin, Sofyane Mehiaoui confie qu’il vit "très bien" son handicap, qu’il "ne changer(ait) rien du tout". Une affirmation en opposition aux propos du judoka qui considérait que les athlètes paralympiques avaient un handicap déjà très difficile à vivre.

“Cela envoie un message : que lorsqu’on est handicapé c’est forcément dur, et donc on a une vie un peu misérable… Il aurait dû préciser que c’est dur à cause du manque total d’accessibilité dans les transports en commun notamment à Paris, les salles de spectacles... mais également dans beaucoup d’établissements scolaires, les restaurant” (Sofyane Mehiaoui)

Pour rappel, les Jeux Paralympiques se tiendront à Paris du mercredi 28 août au dimanche 8 septembre. L'occasion pour celles et ceux qui avaient manqué les Jeux Olympiques de se rattraper et de profiter de la ferveur parisienne.


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Au sujet de l'auteur : Jérémy Birien

Journaliste, rédacteur en chef