Fini les parties de Temple Run dans la cour de récréation, les textos en classe, les selfies dans les toilettes. L'Assemblée nationale a voté ce jeudi 7 juin une proposition de loi de La République en marche visant à prohiber le téléphone portable des écoles élémentaires et des collèges de France dès la rentrée prochaine. Des exceptions pourront bien entendu être appliquées, à condition qu'elles soient « expressément définies par le règlement intérieur de chaque établissement ».
La proposition de loi relative à l'encadrement de l'utilisation du téléphone portable dans les écoles et les collèges a été adoptée en séance publique en première lecture. #DirectAN pic.twitter.com/VRjAi28II1
— Commission des affaires culturelles (@AN_AfCult) 7 juin 2018
Les députés ont en réalité complété à l'aide de différents articles une loi qui existait déjà, celle de 2010 dite « Grenelle II », qui prévoit qu’à l’école et au collège, l’usage du téléphone portable soit interdit pendant les heures de cours et dans les lieux prévus par le règlement intérieur. Désormais, l'interdiction est généralisée et effective dans tout l'établissement (classes, cour de récréation, cantine, toilettes…) et également pendant les activités liées à l'enseignement qui se déroulent à l'extérieur, comme les sorties scolaires ou les cours de sport en gymnase.
Le champ de l'interdiction a également été étendu à « tous les équipements terminaux de communication électronique », comprenez tablettes, montres électroniques et autres objets connectés « qui soulèvent des problèmes similaires », même s'ils sont moins répandus. Quant à l'utilisation de l'outil numérique à des fins pédagogiques, elle sera désormais possible et viendra « enrichir la pédagogie de l’enseignant ».
« Près de 90 % des douze à dix-sept ans possèdent un smartphone »
L'usage du téléphone portable s'est considérablement généralisé chez les jeunes ces dernières années : « près de 90 % des douze à dix-sept ans possèdent un smartphone, soit quatre fois plus qu’il y a six ans », rappelle la députée Larem Cathy Racon-Bouzon lors de l'examen de cette loi. Une omniprésence des outils numériques qui n'est « pas sans conséquences », assure-t-elle, avant d'énumérer les nombreux effets pervers des nouvelles technologies. Ces dernières affectent les « capacités d'attention, de concentration et de mémorisation des élèves en classe », génèrent des « querelles », « facilitent les pratiques de cyberharcèlement », donnent accès à des contenus « violents ou pornographiques », « appauvrissent les relations entre les élèves » qui « s'enferment dans leur bulle » et « peuvent être utilisés pour filmer ou prendre des photos des élèves, voire des enseignants, à leur insu ».
La députée a également évoqué les enjeux de santé publique. « Plusieurs études établissent des liens entre un usage intensif des téléphones portables, et plus largement des écrans, avec des problèmes relationnels et émotionnels, des troubles du sommeil et de l’attention, des phénomènes de dépendance et d’addiction », détaille-t-elle.
C'est donc avec l'idée d'instaurer un « meilleur environnement scolaire » que cette révision de la loi prend effet. En clair, l'objectif est de réduire le temps passé devant les écrans afin de favoriser les interactions sociales, la concentration en classe et l'activité sportive.
#InitiativesLaREM Adoption de la proposition de loi d’encadrement de l’utilisation du téléphone portable à l’école et au collège
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Avec ce texte, on favorise la concentration, les interactions sociales et l’activité sportive #DirectAN pic.twitter.com/L5nXNEoed7
Les débats ont été houleux dans l’hémicycle le jeudi 7 juin. Pour certains, interdire n'est ni une solution ni une fin en soi : il faut avant tout éduquer les élèves à l'outil numérique. « C’est le rôle de l’éducation nationale que de former les jeunes à ces technologies, qui sont désormais partie intégrante de notre vie. (...) Il faut que les jeunes soient capables de comprendre toutes les questions liées au numérique, qui sont d’une importance capitale. Tel doit être le rôle de l’école : il ne s’agit pas seulement d’interdire. », soutient Bastien Lachaud, membre de La France Insoumise.
D'autres ont de sérieux doutes quant à l'application de cette mesure dans la réalité et pensent qu'il sera très compliqué pour les professeurs d'assurer l'interdiction en classe. « Comment voulez-vous qu’un enseignant, seul face à une classe de trente-huit élèves, puisse faire respecter l’interdiction, alors que les téléphones passent de main en main, sont cachés ? Les enseignants n’arrivent même pas à faire cours : comment pourraient-ils en plus veiller aux téléphones portables ? », pose Caroline Fiat, elle aussi députée La France Insoumise. « Dans la situation actuelle, alors que les classes sont surchargées et que les enseignants ne s’en sortent plus, vous aurez beau essayer d’interdire, cela ne fonctionnera pas », a-t-elle soutenu à l'Assemblée.
Le ministre de l'Éducation nationale Jean-Michel Blanquer s'est quant à lui « réjoui » du passage de ce texte qui « concrétise un engagement de campagne du Président de la République ». « L’interdiction de l’usage du portable dans les écoles et les établissements vise à sensibiliser les élèves et les familles aux usages raisonnés des écrans. Dans le même temps, nous renforçons l’usage des outils numériques dans nos pratiques pédagogiques et nous transmettons aux élèves un socle de compétences numériques », a-t-il expliqué.
Enfin, concernant la possibilité d'étendre l'interdiction du téléphone portable aux personnels et enseignants, les élus ayant émis l'idée ont finalement fait machine arrière face aux nombreuses critiques.