Routes limitées à 80 km/h : un échec expérimental dissimulé par le gouvernement ?

Nous vous en parlions il y a deux mois, cette année devrait être annoncée la baisse de limitation de vitesse sur les routes du réseau secondaire, dépourvues de séparation centrale, fixant une limite maximale autorisée à 80 km/h. Les arguments en faveur de cette mesure avancée par le gouvernement sont la limitation de la pollution, et le renforcement de la sécurité des automobilistes. Cette annonce a pu diviser, mais l’expérience était menée sur certains tronçons comme la RN51 depuis trois ans déjà. Il semblerait que les résultats soient loin d’être satisfaisants, d’où une certaine dissimulation de ceux-ci, puisqu’ils n’iraient pas du tout dans le sens souhaité par les instigateurs de cette mesure.

Stéphane Marc / MAXPPP

Comme le signale Le Point, les résultats de l’expérience auraient dû être divulgués déjà en juillet 2017, coïncidant avec la démarche souhaitée « transparente, honnête et rigoureuse » de Bernard Cazeneuve, grand partisan de cette nouvelle limitation en 2015. Face au manque de chiffres divulgués par le gouvernement, l’association 40 Millions d’Automobilistes a pris la décision d’analyser tous les rapports d’accidents de la route du Ministère de l’Intérieur entre 2012 et 2016 pour comparer les chiffres avant et après la mise en place de l’expérience sur les portions de routes concernées. Les conclusions qu’elle a pu en tirer ne sont pas des plus reluisantes, comme l’affirme le délégué général de l’association Pierre Chasseray :

« 30 blessés sont alors à déplorer (en 2016, seule année pleine de l’expérimentation disponible dans les rapports), soit autant qu'en 2013, plus qu'en 2012 (26) et non loin de 2014 (31), qui est la pire année en nombre de victimes (34) et de gravité des accidents. De plus, en comparaison avec des données de mortalité routière relevées à l'échelle nationale, les statistiques issues des routes secondaires en test révèlent l'inefficacité de la mesure : alors que 1 911 accidents mortels ont été recensés sur les 386 224 kilomètres que compte le réseau secondaire français (soit 1 accident mortel en moyenne tous les 202 km) en 2016, les sections de routes nationales soumises à l'expérimentation font état de 1 accident mortel tous les 28,7 km ».


La mesure visant à limiter la vitesse à 80 km/h augmenterait ainsi drastiquement le taux moyen de mortalité routière sur ces routes, en comparaison avec les autres. Les chiffres provenant directement des rapports officiels du gouvernement, ils sont difficilement contestables par ce dernier, qui a donc tout intérêt à dissimuler les résultats de l’expérimentation, même s’il est important de rappeler que les causes des accidents (comprenant l’alcoolémie ou l’usage de drogues) ne sont pas divulguées par respect pour les victimes. Le mois dernier, le premier ministre Édouard Philippe avait rappelé à quel point il défendait cette mesure même si elle pouvait le rendre « impopulaire », déclarant que cela lui était égal puisque cette limitation avait pour but de « sauver des vies », selon ses propres mots. Augmentation du temps de trajet, marge de dépassement d’un véhicule lent réduite, risques d’accidents accrus… Le gouvernement se rétractera-t-il donc sur cette mesure à la lumière de ces faits, ou continuera-t-il à essayer de persuader de sa légitimité à présent sérieusement questionnée par les chiffres mis en exergue par 40 Millions d’Automobilistes ?

Source : Le Point
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