Après avoir obtenu une large victoire lors des dernières élections législatives, La République En Marche a fait entrer à l'Assemblée Nationale de nombreux acteurs « issus de la société civile » et provenant des sphères privées. Chefs d'entreprise, hauts cadres, consultants, ces néophytes de la politique étaient censés apporter un vent de fraîcheur au sein du Parlement. Mais alors que le parti d'Emmanuel Macron cherche justement à moraliser la vie politique en obligeant les députés à justifier de leurs frais, certains députés LREM se plaignent, et n'hésitent pas à pointer du doigt la baisse de leur train de vie depuis qu'ils se sont lancés dans la politique.
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Dans une récente enquête parue sur le journal l'Opinion, d'émouvants témoignages dévoilent les déboires de personnes ayant du mal à boucler leurs fins de mois : « On ne s'y retrouve pas aujourd'hui » , « Pour certains, la question de tenir jusqu'au bout va se poser », « je mange pas mal de pâtes, j'ai ressorti des vêtements de la cave et je vais devoir déménager »... Mais qui sont ces malheureux qui souffrent d'une telle précarité ? Des ouvriers d'une usine récemment licenciés ? Des intérimaires à l'avenir incertain ?
Raté : les auteurs de ces lamentations ne sont ni plus ni moins que celles de députés, qui se plaignent de ne percevoir « que » 5 000 euros d'indemnités par mois. Eh oui, que voulez-vous, c'est la crise. Et déjà qu'ils ont du mal à supporter leurs nouvelles conditions de vie, comme pour parachever le tout en leur rendant la vie encore plus dure, la nouvelle loi pour la confiance dans la vie publique les obligera à justifier de leurs frais à partir du 1er janvier ! Mais qu'attend-on pour composer le 115 et leur venir en aide ?
Dans @lopinion_fr la détresse d’une députée LREM, passée de 8000 euros dans le privé à 5000 à l’Assemblée : « je mange pas mal de pâtes et j’ai ressorti des vêtements de la cave » #Précarité pic.twitter.com/vvP79FZ3mx
— Marion Lagardère (@MLagardere) 13 décembre 2017
La personne qui se plaignait de devoir manger trop de pâtes est une députée LREM, ancienne chef d'entreprise, a tout de même eu la bonne idée de rester anonyme, en dépit d'avoir eu celle de se taire. La pauvre vit sa nomination à l'Assemblée Nationale comme un véritable déchirement : rendez-vous compte, elle qui gagnait 8 000 euros par mois dans le privé se retrouve désormais avec à peine un peu plus de 4 fois le SMIC pour acheter ses coquillettes mensuelles !
« On a tous lâché des situations professionnelles très confortables, et on ne s'y retrouve pas aujourd'hui »
Même son de cloche chez d'autres députés : l'un d'eux se plaint ainsi d'une « perte de 25 % de [ses] revenus » depuis qu'il s'est lancé dans la sphère politique. «Je n'ai jamais autant bossé pour si peu», souffle une autre députée LREM. Au-delà d'apporter des preuves manifestes que certains de nos édiles sont totalement déconnectés des réalités de la vaste majorité des Français, ces remarques indécentes constituent-elles une des conséquences de la volonté d'Emmanuel Macron de faire rentrer un maximum d'« acteurs de la vie civile », des personnes issues des sphères du privé et n'ayant jamais eu d'expérience préalable dans la vie politique, au sein de l'Assemblée ? Le passage à la vie politique représente-t-il, pour ces nouveaux députés, une véritable désillusion par rapport à leur ancien train de vie ?
C'est pourtant le parti de la majorité présidentielle qui avait poussé la fameuse loi sur la moralisation de la vie politique, loi qui ne va pas aussi loin que ce que le fondateur de La République En Marche avait par ailleurs proposé. Un autre élu LREM revient sur les propos de certains de ses camarades qui se plaignent de leurs revenus : « Je ne vais pas me plaindre de gagner 5 000 euros par mois [...] Face à une aide soignante, on sait qu’on ne peut pas dire ça »