La vague de contestation qui embrase la Tunisie depuis maintenant plus de trois jours ne semble pas près de se calmer. Hier soir, mercredi 10 janvier, de violents affrontements ont éclaté dans plusieurs villes tunisiennes, en marge des manifestations contre les politiques d'austérité du gouvernement. Et demain, vendredi 12 janvier, une manifestation de grande ampleur est prévue à Tunis, tandis qu'un autre rassemblement important est prévu le 14 janvier, jour du septième anniversaire de la révolution tunisienne.
Des manifestants tunisiens affrontent les forces de l'ordre dans le quartier de Djebel Lahmer à Tunis #AFP pic.twitter.com/e83s2Q1dX1
— Agence France-Presse (@afpfr) 10 janvier 2018
À la source de ces manifestations, les politiques de hausse de prix et d'austérité mises en place par le gouvernement, et en particulier une nouvelle loi de finances qui rencontre une forte hostilité populaire alors que l'inflation dépassait les 6% en 2017 et que le taux de chômage a franchi le seuil symbolique des 15%. Alors que tous les indicateurs économiques mettent en évidence l’approfondissement des inégalités sociales et la hausse du taux de pauvreté, les mesures d'austérité (pourtant avancées pour tenter de résoudre le problème, selon le gouvernement tunisien) sont la goutte d'eau qui fait déborder le vase.
Hier soir, les manifestations ont dégénéré pour donner lieu à de violents heurts, à des actes de vandalisme et à des affrontements entre militants et forces de l'ordre. Alors que les mouvements avaient débuté de manière pacifique, à l'appel du mouvement Fech Nestannew (un réseau de jeunes activistes à l'origine des manifestations, qui avait pourtant demandé aux manifestants de faire entendre leurs revendications dans le calme et dans la non-violence), plusieurs débordements ont été signalés, et des affrontements voyant s'opposer jets de pierres et cocktails Molotov aux gaz lacrymogènes des forces de l'ordre ont éclaté un peu partout.
Selon le ministère de l'Intérieur, 70 policiers auraient été blessés au cours de ces affrontements. Côtés civils, un homme âgé de 43 ans a trouvé la mort lundi, et de nombreux manifestants ont été également gravement blessés. 565 personnes ont été arrêtées et l'armée a dû être déployée autour des bâtiments gouvernementaux dans toutes les grandes villes du pays.
Deuxième nuit de révolte générale en Tunisie, plus de 200 personnes arrêtées et 50 policiers blessés. Les révoltés ont brûlé des postes de police et 45 véhicules des forces de l'ordre. Force à la jeunesse tunisienne insurgée https://t.co/9xAAblGPd5 pic.twitter.com/QV12WVueoJ
— Ter-Ter et Liberté (@TerTerEtLiberte) 10 janvier 2018
Lors d’une visite mercredi à El-Battan, près de Tebourba, le premier ministre, Youssef Chahed, a condamné les actes de « vandalisme » qui, selon lui, « servent les intérêts des réseaux de corruption pour affaiblir l’État ». Il a accusé le Front populaire, une coalition de partis de gauche opposés au budget, d'avoir manigancé les manifestations afin d'affaiblir le gouvernement.
Hamma Hammami, porte-parole du Front populaire, a répliqué ce jeudi et a chargé le Mouvement Ennahdha (majoritaire au gouvernement) dont il a rappelé le passé violent, assurant que “celui qui a eu recours à l’acide ne peut donner des leçons de civilité à Al Jabha [Front populaire]”.
Les manifestants, de leur côté, n'ont pas manqué de relever que déclarations du gouvernement étaient très semblables aux arguments utilisés à l'époque de la révolution par le régime de Ben Ali lui-même pour discréditer les protestataires.