Alors que le scandale provoqué par les images de la traite des noirs libyenne rapportées par la chaîne CNN prend de l'ampleur, un jeune camerounais de 17 ans, ancien esclave en Libye et aujourd'hui réfugié en France, a témoigné du calvaire qu'il a vécu sur les ondes d'Europe 1. Des propos qui font tristement écho à des pans peu reluisants de l'histoire.
Capture d'écran CNN
Cela faisait depuis longtemps que l'esclavage des migrants en Libye était une pratique connue, et largement dénoncée, par les associations et ONG locales. Pourtant, il aura finalement fallu attendre ce reportage de la chaîne états-unienne CNN pour que le monde daigne enfin braquer son regard en direction de Tripoli.
« Esclavage » : un terme qui nous semblait aujourd'hui si désuet, que l'on pensait déjà pouvoir ranger sur une étagère poussiéreuse de l'Histoire, quelque part aux côtés de la lèpre, du scorbut, de la peste bubonique et autres horreurs du passé qui n'ont plus leur place dans un monde moderne (du moins le croyait-on, naïvement). Or, la vérité nous revient en plein visage tel un boomerang nauséabond, et vraiment, elle n'est pas belle à voir : non seulement l'esclavage est encore pratiqué de nos jours, mais cela se passe tout proche de nous, juste là, de l'autre côté de cette mer Méditerranée où nous avions emmené, cet été encore, nos gosses jouer au bord de l'eau.
Forcément, ça met un sacré coup au moral, et cela a provoqué de vives réactions. À Paris, samedi 18 novembre, des milliers de personnes sont descendues dans la rue manifester à l’appel du Collectif contre l’esclavage et les camps de concentration en Libye (CECCL). Ce mercredi, le 22 novembre, c'est le président Emmanuel Macron himself qui dénonce des « crimes contre l’humanité ». La France a demandé une réunion extraordinaire du Conseil de sécurité de l’ONU.
Tripoli se défend. Les autorités libyennes n'avaient « pas connaissance » de ces pratiques, et se disent « victimes et non pas source » de l'immigration clandestine. Sitôt l'affaire dévoilée par CNN, une enquête est ouverte, dont les résultats « ne sauront tarder », selon le gouvernement d'union nationale, qui déclare que les coupables de ces exactions seront punis.
« Rendez-vous compte qu'en Libye, le mouton vaut plus que l'homme noir. »
Tortures, bastonnades, électrocutions et travaux forcés : au micro d'Europe1, Arnaud, un jeune Camerounais de 17 ans, raconte son calvaire. Il a « vécu l'enfer», raconte-t-il. Après avoir fui son pays et avoir tenté de traverser la Libye, il a été vendu comme esclave à trois reprises par des réseaux criminels. À chaque fois, c'était le même cauchemar qui recommençait : emprisonné, torturé et vendu à nouveau, comme une marchandise, un vulgaire objet.
«Vendu comme un esclave, je n'en revenais pas.[...] Ce qu'on nous a appris à l’école sur la traite négrière... tu comprends que c'est revenu », lâche l'adolescent. « On vous fouette matin, midi et soir. Les femmes, elles, doivent faire face à la prostitution. Tu deviens un objet. »
Arnaud a bien essayé de s'enfuir, une fois, mais lui et les autres ont été rattrapés par les marchands d'esclaves. En représailles, soixante Camerounais ont été tués. Pour l'exemple : « C'est un autre monde. En fait, c'est l'enfer, le pire cauchemar », relate le jeune homme sous le choc.
« Rendez-vous compte que, en Libye, le mouton vaut plus que l'homme noir. Je ne comprends pas comment Dieu peut fabriquer certains hommes. Un humain normal ne peut pas faire ça », conclut-il.
Aujourd'hui, les États se mobilisent pour tenter de secourir les victimes de ce système d'esclavage et de recueillir les rescapés sur leur sol. La France a déjà prévu d'accueillir prochainement un premier groupe de 25 personnes en situation de très grande vulnérabilité.